Précédemment, nous nous sommes intéressés aux effets néfastes d'un évitement excessif (éviter autant que possible quelque chose associé à de la douleur). Dans cet article, vous allez découvrir ce qu'il faut savoir sur l'intérêt ou non d'une stratégie complètement opposée. J'ai nommé : le "No Pain No Gain".
Par "no pain no gain", j'entends "il faut passer en force dans les moments douloureux, ignorer la douleur, avoir mal est un critère de réussite, et plus ça fait mal, plus c'est efficace".
Le (seul ?) point positif de cet adage est que cela vous encourage à rester actif et à ne pas accorder trop d'importance à la douleur. Cependant, ce mode de pensée n'est pas assez nuancé et possède plusieurs faiblesses. Voilà quatre raisons à connaître pour lesquelles le no pain no gain ne fonctionne pas en cas de douleurs persistantes.
1) Une augmentation brutale de l'intensité des efforts augmente le risque de blessure
Négliger complètement la douleur peut mener à un surentraînement et à des blessures diverses et variées chez n'importe qui. Chez vous, moi ou votre voisin, tout entrainement se doit d'être progressif pour laisser le temps à l'organisme de s'adapter à l'augmentation régulière des contraintes.
On n'imagine pas un individu lambda, sportif du dimanche, suivre soudainement l'entrainement d'un marathonien. S'il tente à tout prix de le faire, on peut s'attendre à des pathologies (comme des tendinopathies), car son appareil locomoteur n'est pas habitué à tant de contraintes.
Cette remarque est d'autant plus valable si vous n'avez pas pratiqué d'activité physique dernièrement, ou si votre condition physique s'est dégradée au cours des dernières années.
Il est tout à fait positif d'avoir des objectifs en termes de performance sportive, de dépassement de soi, de perte de poids, ou encore autre chose. Néanmoins, cela ne serait pas vous rendre service que de mal doser vos efforts. Vous risqueriez de vous décourager et de vous éloigner de vos rêves, comme nous le verrons dans le point n°3.
Les kinésithérapeutes et les enseignants en Activité Physique Adaptée peuvent vous accompagner dans vos projets.
2) Votre corps réagit différemment en cas de douleurs chroniques
Si vous avez mal au dos depuis des mois, voire des années, il faut savoir que le corps fonctionne un peu différemment.
À force de générer vos douleurs encore et encore, votre système nerveux est devenu très fort à cela. Les messages en provenance de votre dos ("tiens, il y a de l'étirement dans cette zone, et ici c'est en train de travailler, etc") peuvent être amplifiés et rendus plus menaçants qu'ils ne le sont réellement.
C'est comme si vous appuyiez une fois sur la touche Z de votre clavier, et qu'à l'écran apparaissait ZZZZZZZZZZZZZZZZZ. Comme si vous souleviez un poids de 2 kg, et que votre cerveau comprenait que vous êtes en train de soulever 20 kg. La réaction n'est pas la même !
Voilà d'ailleurs une image très réaliste de votre cerveau en train de vous avertir que votre dos est en danger.

Pourquoi est-ce que je vous explique tout cela ? Concrètement, le système nerveux d'un individu lambda et celui d'une personne douloureuse chronique ne vont pas réagir de la même manière à un excès de stimulation.
Si la personne dont le système nerveux est sensibilisé se pousse bien au delà de ses limites, elle pourrait se retrouver en crise de douleurs. On appelle cela " flamber", flare-up en anglais.
Pire encore, elle risque d'attribuer cette détérioration au fait d'avoir fait de l'exercice, et abandonnera peut-être ce moyen pourtant si utile. Il ne suffit pas de recommencer une activité à fond, sans tenir compte du contexte.
3) Ne tombez pas dans le piège du rythme en dents de scie
Dis comme cela, cela ferait presque peur.
Un mauvais dosage des efforts entraîne souvent un rythme d'activité en dents de scie. Qui d'entre vous se reconnaît dans le cercle vicieux qui suit ? Partagez votre expérience dans les commentaires sous l'article.

Les douleurs vous empêchent de faire ce que vous voulez, vous poursuivez vos activités tant bien que mal, ...
Vous finissez par en avoir mal de devoir vous limiter au quotidien. Vous voyez les tâches ménagères s'accumuler. Sur un coup de tête, vous terminez votre ménage d'une traite, en serrant les dents.
La douleur augmente fortement dans les jours qui suivent : c'est la crise douloureuse. Vous regrettez d'avoir fait votre ménage. Vous vous sentez frustré(e) à cause de cette douleur qui vous empoisonne la vie, et vous vous inquiétez à propos du futur.
Le niveau de douleur revient progressivement au niveau "habituel". C'est le retour à l'étape 1. Si l'on dessine un schéma pour représenter cela, vous retrouvez les fameuses dents de scie dont je parle dans cette section.
Au niveau psychologique, vous apprenez à associer telle ou telle activité à de la douleur et à toutes les émotions négatives qui y sont liées. Ce lien, comme le précédent, se renforce également au fil des expériences, car chacune vient confirmer les conclusions tirées des précédentes.
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4) Et les activités non douloureuses, là dedans ?
Une chose a été oubliée dans cette histoire : les activités non douloureuses ! Toutes les choses qui ne déclenchent pas ou peu de douleur peuvent être extrêmement utiles dans votre progression. Prenons quelques exemples.
Si faire du vélo ou bien étirer un muscle fessier soulage vos douleurs, alors utilisez ces astuces ! Savoir comment soulager ses douleurs, quand c'est possible, permet de se sentir davantage en contrôle et de passer de meilleures journées.
Si monter des escaliers ou faire travailler vos bras n'a aucune influence sur les douleurs lombaires, on peut tout de même conserver ces activités pour différentes raisons (activités de la vie quotidienne, entretien physique, travail musculaire à distance du dos pour tenter d'obtenir un effet anti-douleur).



Enfin, lorsque vous reprenez une activité ou un sport qui compte réellement pour vous en l'adaptant, vous ne ressentez pas nécessairement plus de douleur que d'habitude. Pourtant, en agissant ainsi vous bénéficiez des effets de l'activité physique, vous abaissez la sensibilité de votre système nerveux, vous êtes plus heureux et moins stressés...
Conclusion
Cela ne veut pas dire qu'il faut éviter la douleur. Cela veut dire qu'il faut se ré-exposer progressivement aux activités douloureuses, comme nous le verrons dans les deux prochains articles.
La douleur n'est pas un critère d'efficacité en cas de lombalgie persistante. On peut utiliser l'intensité de la douleur pour guider l'intensité des exercices. Quelques augmentations de douleur sont quasi-inévitables, mais il ne faut pas chercher à en provoquer plus que nécessaire.
Il est DIFFICILE de se limiter. Vous avez tous des envies et des projets que vous aimeriez mener à bien. C'est sans doute cela qui nous mène parfois à faire des écarts et des erreurs de dosage.
Alors, que faire ? Maintenant que nous avons examiné les deux extrêmes, il est temps de passer à l'action. Voilà un article primordial sur ce que vous devez savoir pour reprendre votre activité physique. Quelle place devrait-on accorder à la douleur ? Comment gérer le mal de dos lorsqu'on veut recommencer son activité favorite ?



6 commentaires
ANCELIN Cyrille · 18 juillet 2025 à 1:20 pm
Bonjour,
Merci pour cet article qui est pour moi aussi un médicament tellement on lit et on entend beaucoup de chose qui rend notre douleur chronique encore plus chronique car on désespère tout simplement.
Cependant, je vais parler de mon cas (1 cas parmi tant d’autres certes), je suis (ou j’étais) un sportif d’endurance amateur de bon niveau (3h au marathon ; Trails de 80km etc etc) mais l’année dernière, il y a plus d’1an tout à basculer, Tendinopathie fissuraire tendon rotulien et surtout, arthrose facettaire S1L5 avec irradiation mollet (un faux mouvement à la piscine à déclencher ce souci) ; depuis ce sont des toboggans émotionnels, j’ai toujours l’engourdissement à cause de S1L5, je ne lâche pas le sport j’essaie de réguler mais c’est extrêmement compliquer… Vos articles me rassurent, le sport est bénéfique mais contrairement au point 3/ et 4/, je ne me force pas à faire du sport et malheureusement (ou heureusement vous allez me dire), je n’ai pas trop de douleurs au faisant du vélo, je peux mettre un peu de rythme (mais j’essaie comme vous dites de réguler, pas tout le temps, mais j’essaie) mais c’est surtout le lendemain ou 48h après, je ne sais pas si les gênes/ douleurs se déclenchent après, en retard de phase….ou si c’est dans ma tête car je suis assis assez régulièrement au boulot….
C’est assez compliqué à gérer car comme vous le dites, j’ai abandonner l’idée de vitesse et de battre son RP mais je veux tout de même me fixer des objectifs, faire du long (vitesse réduite et sports modérés)….mais est-ce vraiment raisonnable avec mon mal??? je me pose la question et pas un spécialiste ou médecin me conseillent réellement…Il y a qqs semaines j’ai déjà progressivement passer de 20-40-60-75 km sur une sortie mais je me suis raviser car peut être que j’en fais trop….j’ai qqs raideurs pendant l’activité mais sans plus, ca vient surtout au boulot étant assis….j
Je pense que j’ai pas encore réussi à trouver la bonne formule, peut être que certains exercices lors de mes petites séances de renforcements et étirements ne sont pas adaptés et ce sont plutôt eux qui crée le soucis….Bref, vous l’aurez compris, dans nos corps avec ses maux chroniques, on se pose beaucoup (trop?) de questions afin de trouver des solutions…..et vos articles me font du bien, dans le sens ou on peut vivre et plus que ça reprendre gout à la vie….j’avais du mal à trouver cela dans les autres méandres du net ou chez les conseils des medecins, osteo et kinés…. merci à vous!!
Martine · 13 mai 2024 à 9:22 am
Bonjour, je voudrais simplement vous remercier de la pertinence de vos articles et la générosité à les partager .
Opérée il y a 6mois d un canal étroit avec hernie discale. Vos articles me sont très précieux bonne journée à vous et bonne installation de vôtre cabinet.
Martine
Eric Bouthier · 28 mai 2024 à 4:53 pm
Bonjour Martine,
merci pour votre commentaire ! Je vous souhaite un bon rétablissement 🙂
C · 6 mars 2023 à 2:30 pm
Suite aux lombalgies basses chroniques d’une pathologie dégénérative, le médecin propose des implantations médullaires neuro-stimulantes (TENS implantés rechargeables ou non rechargeables). Quel est votre avis et a-t-on assez de recul pour analyser les résultats ?
Besnier · 26 janvier 2022 à 8:15 am
Bonjour
En effet lorsque l’on souffre du dos il faut bouger j’en suis convaincu
Ayant eu une fracture de vertèbres en L1
Puis ayant une hernie en L1qui met en souffrance la moelle épinière et une hernie en L5S1 avec douleurs le long de la jambe jusqu’à la cheville
Je pratique régulièrement la rando environ 150 Kms à plus de 200 par mois
Par contre je ne peux plus pratiquer le footing
Je ne peux plus forcer non plus
Malgré la marche régulièrement les douleurs reviennent très régulièrement
Cordialement
Eric Bouthier · 26 janvier 2022 à 11:23 pm
Bonjour Sylvie,
Je vois que vous êtes motivée et que vous restez très active, j’espère que cela vous apporte beaucoup de satisfaction.
En parallèle de tout cela, il y a peut-être des choses intéressantes à mettre en place pour gérer encore mieux les douleurs. (difficile à dire évidemment par commentaire)
Je vous souhaite en tout cas le meilleur pour la suite !
Eric