Feuilletez n'importe quel magazine sur la santé et vous verrez apparaître son nom. L'arthrose fait partie des bêtes noires du 21e siècle, et elle est fréquemment accusée de provoquer des douleurs et des raideurs partout où elle apparaît. Dans la région lombaire, elle est désignée comme une cause de mal de dos.

Est-ce vraiment le cas ? Quel est le vrai lien entre arthrose et lombalgie ?

Lorsque l'arthrose participe aux douleurs, que peut-on faire pour soulager les douleurs et assouplir la colonne vertébrale ?

Comme toujours, embarquons pour un petit état des lieux de la science à ce sujet.

Qu'est-ce que l'arthrose ?

La plupart de nos articulations sont recouvertes d'un revêtement appelé cartilage hyalin. 

Il est extrêmement lisse et permet aux articulations de bouger avec le moins de forces de frottement possible. Il est lubrifié par le liquide synovial, comme de l'huile dans les rouages d'une machine !

Anatomie d'une articulation synoviale, là où il peut y avoir de l'arthrose.

Au fil des années, le cartilage peut se dégrader et l'on peut voir apparaître quelques défauts dans sa structure. Par exemple, il peut s'amincir, ou avoir une surface plus irrégulière qu'à l'origine. C'est l'arthrose (arthron : articulation, osis: dégénérescence).

Est-ce que l'arthrose veut dire qu'on a usé ses articulations ?

Dans l'imaginaire collectif, l'arthrose est un phénomène purement mécanique. "Plus j'utilise une articulation, plus elle s'use." Pourtant, la vérité semble beaucoup plus complexe que cela !

Vous voulez une preuve ? En voici une : les personnes obèses ont davantage de risque d'avoir de l'arthrose... partout dans leur corps !

Si l'arthrose était uniquement une affaire d'usure et de charge, alors les personnes obèses ne devraient avoir un risque augmenté d'arthrose qu'au niveau des articulations qui portent le poids du corps. Pourquoi leurs mains auraient-elles davantage d'arthrose ?

Ce fait intéressant, retrouvé dans maintes études (exemple), montre l'importance des facteurs métaboliques et inflammatoires dans le développement de l'arthrose.

L'apparition et l'évolution de l'arthrose dépend donc de facteurs métaboliques, génétiques et environnementaux. Cela conduit beaucoup de chercheurs à la considérer comme un problème autant inflammatoire que mécanique.

L'arthrose lombaire a également des origines génétiques

Qu'est-ce que l'arthrose lombaire ?

Anatomie d'une vertèbre lombaire, potentiellement siège d'arthrose

Au niveau de la colonne lombaire, plusieurs articulations peuvent être concernées par l'arthrose. Le schéma ci-dessus (une vertèbre lombaire vue de dessus) vous aidera à les visualiser. Il peut s'agir : 

  • des articulations entre les corps vertébraux (par l'intermédiaire du disque intervertébral). On parle parfois de discarthrose. À la jonction entre la vertèbre et le disque, on observe parfois une excroissance osseuse appelée ostéophyte ou encore bec de perroquet. C'est une réaction normal de l'articulation qui cherche à répartir la charge sur une plus grande surface d'appui.
  • des articulations dites postérieures ou zygapophysaires. On parle alors simplement d'arthrose zygapophysaire.

Comment l'arthrose lombaire peut-elle faire au mal de dos ?

L'arthrose peut contribuer à la douleur de plusieurs manières. Le cartilage n'étant pas innervé (pas de récepteurs nerveux), ce sont surtout les conséquences sur les structures adjacentes qui peuvent créer des symptômes.

Lorsque les contraintes ne sont plus assez absorbées par le cartilage, elles sont transmises à l'os sous le cartilage qui, lui, est innervé. Un excès de contraintes peut donc envoyer des messages de danger vers le cerveau.

L'arthrose peut s'accompagner d'épisodes inflammatoires temporaires, pendant lesquels les petits nerfs qui se trouvent dans la membrane de l'articulation sont sensibilisés.

Par ailleurs, comme au niveau d'un genou, une poussée d'arthrose peut s'accompagner d'un gonflement qui gêne le mouvement. On ne le voit pas de l'extérieur, cependant.

Les ostéophytes, mentionnés précédemment, ne sont pas douloureux en eux-mêmes : ce n'est que de l'os ! Néanmoins, il arrive qu'un ostéophyte puisse irriter une racine nerveuse, par exemple. C'est alors visible sur une IRM.

Enfin, une arthrose sévère peut participer à réduire le diamètre du canal lombaire ou d'un des foramens intervertébraux (par lesquels sortent les nerfs du bas du corps). On observe alors parfois ce qu'on appelle un canal lombaire étroit ou rétréci.

Peut-on avoir de l'arthrose lombaire sans mal de dos ?

Après une telle description, vous êtes peut-être en train de vous dire : "Mon dieu, c'est vraiment une saloperie cette arthrose lombaire !". Pourtant, comme avec les hernies discales, beaucoup de personnes ont de l'arthrose sans avoir mal au dos.

Plusieurs études scientifiques se sont intéressées au lien entre arthrose lombaire et lombalgie. Une étude publiée en 2013 a notamment fait le point sur la question.

Contre toute attente, le lien entre arthrose et mal de dos est plutôt faible !

Grâce à des études sur les personnes asymptomatiques (sans douleur), nous savons également que l'on peut retrouver des "anomalies" chez tout le monde. Les données suivantes sont tirées de la fameuse revue systématique de Brinjikji & al en 2015.

Par exemple, 1 personne de 50 ans sur 3  qui n'a pas mal au dos présente de l'arthrose au niveau des articulations zygapophysaires. À 60 ans, cela passe à 1 personne sur 2 !

Ces personnes n'ont pas de douleur alors que leur IRM montre des lésions, et elle n'ont pas plus de risque de développer une lombalgie que les autres.

Plus j'ai de l'arthrose, plus j'ai mal ?

La sévérité des modifications repérées à l'imagerie n'est pas proportionnelle à l'intensité de la douleur !

Autrement dit, vous pouvez avoir une douleur intense sans aucune arthrose, tout comme vous pouvez n'avoir aucun symptôme alors que vous présentez une arthrose importante.

À vrai dire, c'est très fréquent. La plupart des professionnels de santé vous diront que c'est monnaie courante.

L'IRM permet de révéler avec précision l'arthrose lombaire

L'arthrose peut progresser au fil du temps, mais cela n'a pas forcément d'impact sur la douleur.

Ces informations sont essentielles, car beaucoup d'entre vous ont peur d'être de plus en plus limités au quotidien, au fil des années.

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Comment savoir si mes douleurs lombaires sont dues à l'arthrose ?

Les deux symptômes les plus fréquents sont la douleur et la raideur des articulations atteintes. Notez néanmoins que la douleur et la raideur peuvent être provoquées par une multitude de causes différentes, et que l'arthrose peut tout à fait passer inaperçue.

Pour être tout à fait honnête, il est très difficile d'affirmer avec certitude que l'arthrose est responsable des douleurs ressenties. Les kinésithérapeutes utilisent parfois des tests pour évaluer la participation des articulations zygapophysaires dans vos douleurs. Hélas, ils permettent surtout d'éliminer l'hypothèse et non de la confirmer.

Il existe des procédures plus invasives, avec plusieurs injections intra-articulaires d'anesthésiant. Il faut savoir que ces procédures sont complexes, coûteuses et ne sont pas non plus parfaitement fiables.

Lors d'une poussée d'arthrose, les douleurs ressenties peuvent se comporter comme des douleurs inflammatoires. On peut alors être réveillé la nuit par les douleurs, et se sentir particulièrement raide en se levant le matin.

Prudence : je ne sais pas si ces critères ont été étudiés dans ce cadre. Cela ne concernerait que les poussées d'arthrose, quoiqu'il en soit.

Comment soigner l'arthrose lombaire ?

Peut-être devrions-nous d'abord répondre à la question : peut-on soigner l'arthrose lombaire ? Il faut effectivement se mettre d'accord sur l'objectif poursuivi.

Si l'on cherche un moyen de faire disparaître l'arthrose et de régénérer son cartilage articulaire, on risque fort d'être déçu. À ce jour, aucun moyen thérapeutique n'a montré d'efficacité sur la diminution de l'arthrose.

Par contre, si l'objectif est de diminuer la douleur et d'améliorer ses capacités physiques, là il est possible de faire quelque chose. En effet, la simple présence d'arthrose ne condamne pas à une éternité de douleurs et de raideurs.

Dans votre quête de soulagement et d'épanouissement, vous croiserez peut-être des personnes qui prétendent soigner l'arthrose.

Qu'il s'agisse de thérapies à base d'injection d'eau de mer, de compléments de cartilage de requin ou de bave d'escargot, restez fort vigilants. Le marché de la douleur est juteux et les profiteurs ne sont jamais loin.

Comment soulager les douleurs d'arthrose lombaire ?

Les recommandations internationales (dont celle du NICE) sont unanimes : l'exercice thérapeutique et les changements de style de vie sont une part importante du plan d'attaque.

Voilà une liste non exhaustive des choses qui peuvent vous être utiles (avec quelques ajouts de ma part) :

  • Des exercices actifs (étirements, renforcement, etc) au niveau du dos, en commençant à un niveau adapté à vos capacité et à vos sensations.
  • Des exercices actifs à type de renforcement musculaire à distance du dos : au niveau des hanches et des genoux, par exemple. Cela peut aider à sécréter des molécules anti-douleurs voire anti-inflammatoires si l'exercice est intense et/ou prolongé.
  • De l'exercice physique aérobie comme du cardio : un effort physique modéré à intense, maintenu pendant plus de 20 minutes environ. La marche rapide, la course à pied, le vélo, la nage et plein d'autres options peuvent remplir ce rôle !
  • Vérifier que vous dormez suffisamment chaque nuit (un point important pour la douleur en général) et que votre alimentation est suffisamment saine (un point dont l'importance reste à évaluer). La gestion du stress et les relations sociales sont primordiales également.
  • Un programme de déverrouillage matinal, si vous souffrez de raideurs particulièrement importantes le matin. Pour les plus motivés, voir le Programme Déverrouillage Matinal spécialement dédié à ce sujet !
  • Éviter l'auto-médication systématique, notamment avec les anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Quels exercices ou étirements utiliser pour soulager l'arthrose lombaire ?

Je suis tenté de vous donner la réponse que vous aimez le moins : choisissez les exercices que vous préférez. En réalité, comme pour n'importe quel "diagnostic", le plus important reste votre ressenti et vos préférences personnelles. 

Si ce qui suit ne vous correspond pas, voire si vous préférez l'inverse de ces mouvements, gardez vos choix.

En cas d'arthrose zygapophysaire, je vous conseille d'essayer des mouvements en flexion ou en rotation. Il s'agit par exemple :

  • de ramener les genoux vers la poitrine, en s'aidant des mains
  • de faire l'étirement de la "prière" : à quatre pattes, aller s'asseoir sur ses talons
  • assis sur une chaise, se relâcher complètement vers l'avant
  • allongé sur le dos, les jambes repliées, laisser tomber les genoux d'un côté puis de l'autre

Si vous recherchez un programme d'exercices complet, jetez un œil à la méthode d'exercices Comprendre Son Dos qui contient plus de 180 exercices.

Quel sport peut-on pratiquer quand on a de l'arthrose lombaire ?

Mettons les choses au clair dès le début : l'activité physique est POSSIBLE et BÉNÉFIQUE en cas d'arthrose lombaire. 

Comme évoqué précédemment, l'activité physique fait partie intégrante du traitement, pour ses nombreux bienfaits sur l'articulation, sur le reste du corps ainsi que sur le plan psychologique et social.

Comment choisir ce sport ? Le choix dépend à la fois de vos capacités actuelles et de vos préférences.

Contrairement à certaines idées reçues liées au mal de dos, la course à pied est une option tout à fait valable. Vous pouvez également vous diriger vers le vélo, le badminton, l'escalade, le renforcement musculaire, le yoga, le Pilates, la natation, et bien d'autres.

Le plus important n'est peut-être pas le choix du sport en lui-même, mais plutôt votre façon de l'aborder.

Concrètement, il faudra trouver la juste dose de cette activité (ni trop, ni trop peu), puis l'augmenter progressivement pour laisser le temps à votre corps de s'y habituer. Ce n'est pas toujours évident : on en parle dans cet article.

Les marathoniens n'ont pas plus d'arthrose lombaire que les autres

Des marathoniens qui n'ont pas plus d'arthrose que les autres

Donc je n'ai pas besoin de me préoccuper de l'arthrose ?

Radiographie montrant de l'arthrose lombaire

Le message que je souhaite vous faire passer est que l'arthrose n'est qu'une pièce d'un grand puzzle.

Celles et ceux qui adaptent leur style de vie, leur activité physique, et même leur gestion du stress, voient leur douleur et leur raideur diminuer efficacement. Pourtant, rien n'a changé au niveau du cartilage… L'arthrose, dans bien des cas, fait partie des choses que vous n'avez pas besoin de changer pour avoir moins mal au dos !

Votre corps est vivant, ce n'est pas une machine !

Je ne le répéterai jamais assez.

Votre corps n'est pas une machine qui s'use progressivement jusqu'à partir à la casse ! C'est un organisme vivant qui s'adapte à son environnement et qui possède des capacités d'auto-guérison étonnantes.

Avoir de l'arthrose lombaire ne vous transforme pas en voiture rouillée

Votre corps n'est pas une machine...

Les modifications arthrosiques sont une marque du temps et des contraintes qui sont passées par là. Elles peuvent même être utiles : les ostéophytes qui se développent peuvent aider à répartir les contraintes au niveau des vertèbres.

Greg Lehman compare ces changements à des "rides de l'intérieur". Notre visage se ride en vieillissant. Devient-il pour autant douloureux ? Faut-il arrêter de sourire ? 🙂

Un jardin représentant la complexité et les capacités d'auto-guérison du corps humain, même en cas d'arthrose.

... c'est un jardin


3 commentaires

Klotz Patricia · 27 juin 2023 à 6:00 pm

Bonsoir,
Je viens de lire votre article sur l’arthrose interessant.
Pour ma part j’ai de l’arthrose cervicale au niveau de C1 C2 à droite qui me provoque une névralgie d’Arnolde très douloureux. Je ne sais plus quoi faire Ostheo, mésothérapie, kine ,
Un régime alimentaire existe t’il pour limiter l’arthrose en général.

Luc GOURAUD · 2 mai 2023 à 7:01 pm

Bonjour cher Eric, blog toujours aussi passionnant et documenté auquel je reviens régulièrement. Si j’adhère totalement, je me pose cependant des questions. Par ex. un patient souffrant de la hanche sur laquelle on retrouve une coxarthrose nette devrait-il systématiquement ne pas se faire opérer conformément à l’adage : « pas de parallélisme anatomoclinique » ? Beaucoup de personnes opérées ont été durablement soulagées. L’auraient-elles été aussi en agissant sur le même modèle de la gestion de la douleur chronique proposé sur ce blog pour le dos ? Certaines personnes ont une arthrose importante sans souffrir, mais cela ne veut pas dire que certaines arthrosiques ne souffriraient pas de cette arthrose et que l’arthroplastie est nécessaire…? Autrement dit, peut-on guérir d’une arthrose invalidante en gérant cette douleur chronique sans passer par la case chirurgie ? Désolé pour ces questions un peu « compactes » et Merci !

    Eric Bouthier · 3 mai 2023 à 11:00 pm

    Bonjour Luc,
    Je pense que le raisonnement clinique n’est pas le même entre la hanche et le dos. Pour la hanche, il me semble qu’une coxarthrose devenue trop raide et/ou trop douloureuse répond très bien à une prothèse de hanche, avec peu de complications. Pour le dos, le niveau de preuve des gestes invasifs est beaucoup moins clair.. En définitive, il me semble qu’on hésite moins à poser une PTH qu’à opérer le dos, car le rapport bénéfice/risque est beaucoup plus avantageux. Je suppose qu’on peut retarder la pose d’une PTH avec la prise en charge conservatrice, c’est au cas par cas 🙂 Bon, ça fait beaucoup d’affirmations qui relèvent de mon « avis », il faudrait aller confronter ça à la littérature !

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