Vous savez, la plupart des personnes qui me consultent sont à la recherche de solutions pour leurs douleurs. Elles viennent avec leur mal de dos comme elles viendraient avec un puzzle, et nous nous asseyons ensemble pour apprendre à le résoudre. Une fois que la personne possède assez d'outils pour le résoudre elle-même, nos chemins se séparent.

Une discussion avec un patient au cabinet, lors de la première écriture de cet article en 2018, m'a rappelé que le problème ne vient pas toujours d'un manque d'outils.

En bientôt 7 ans de pratique, j'ai croisé quelques personnes qui connaissaient presque trop d'outils. J'étais le cinquième ou sixième kiné qu'elles consultaient. Elles connaissaient et appliquaient déjà plus de choses que le reste de mes patients du jour. Leur vie entière était dévouée à la résolution de leur puzzle.

Si tel est votre cas, alors cet article vous est destiné.

Lutter ou danser : une relation tumultueuse avec la douleur

La discussion avec ce patient m'a rappelé un paradoxe qui laisse perplexe beaucoup d'entre vous :

D’un côté, on vous dit d'être très actifs, de reprendre le contrôle de votre vie et faire face à vos peurs en recommençant les activités que vous avez évité auparavant.

De l’autre, grâce aux techniques de relaxation et de méditation par exemple, on vous conseille "d'accepter" la douleur, à ne pas la juger et à ne pas chercher à tout prix à la faire disparaitre.

Si vous souffrez de douleurs chroniques, savoir quand lutter et quand laisser aller est un défi quotidien.

Technique ou rituel ?

J'ai récemment lu un livre sur le sommeil qui s'intitule "The Sleep School : How to sleep well every night".

J'ai été surpris de voir à quel point il existait des similitudes entre la gestion des troubles de sommeil et la gestion de la douleur !

Les personnes qui ont des difficultés à s'endormir développent parfois tout un tas de techniques censées les aider à dormir. Certains peuvent être utiles, et d'autres non. Toute technique ou astuce est volontiers acceptée, car ces personnes ont vraiment envie de régler leur problème.

Progressivement, le nombre de techniques augmente, et ces techniques deviennent des règles, voire des rituels.

Bâtons Jenga empilés

Dans le doute, il est tentant d'accumuler ces rituels pour mettre toutes les chances de son côté.

On peut être anxieux à l'idée même de supprimer l'un de de ces rituels, même si l'on devine qu'ils ne sont pas réellement utiles. 

Nous les maintenons juste parce qu'on "ne sait jamais", et parce qu'en enlever un risquerait de tout faire s’effondrer.

Quels sont ces rituels lorsqu'il est question de mal de dos ?

  • Utiliser un coussin en particulier pour s'asseoir ou s'allonger
  • Contracter ses abdominaux et retenir sa respiration lorsque l'on ramasse quelque chose
  • Garder la même position sur le canapé pour ne pas trop se relâcher
  • Réaliser très régulièrement un étirement ou se faire craquer le dos dès que l'on ressent un inconfort
  • Se tenir droit autant que possible pour avoir une bonne posture même si cela fait mal
  • Quels autres exemples vous viennent en tête ?

Faut-il changer de cible ou changer de focale ?

" N'est-ce pas paradoxal ? Vous répétez qu'il faut être actif et se prendre en main, puis vous dites qu'il ne faut pas trop l'être ? "

Je comprends que cela puisse paraître paradoxal. Ça l'est !

Voilà néanmoins la réponse :

Les comportements que j'ai décrit jusqu'à présent focalisent l'attention sur le fait de changer la douleur, plutôt que de se focaliser sur le fait de bouger librement et de faire les activités qui vous tiennent à cœur.

Nous avons tous appris qu’il est nécessaire de travailler dur pour atteindre nos objectifs.  Cependant, il existe également de nombreux objectifs qui sont plus facilement atteints lorsqu’on ne cherche à tout prix à les atteindre, lorsqu’on ne se force pas.

Avez-vous déjà réussi à vous forcer à vous endormir ? Tout le monde sera d’accord sur le fait que se forcer à s’endormir est le meilleur moyen de rester éveillé et de polluer son esprit avec un flot de pensées incessant.

Les pensées sont alors également braquées sur la douleur :

" Est-ce que je suis en train de bien faire ?"

"Est-ce que la technique marche ?"

"Pourquoi est-ce que cela ne marche pas ? "

Souvenez-vous que votre système nerveux est constamment en train d'évaluer les menaces potentielles auxquelles est exposé votre corps. À votre avis, lorsque toute l'attention est accordée à la zone douloureuse et que l'objectif principal est de supprimer la douleur, la menace paraît-elle plus ou moins grande ?

La manière dont on perçoit les choses est souvent plus importante que les choses en elles-mêmes.

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Ce que l'on ne vous dit pas

Essayer de supprimer complètement la douleur n'est pas seulement contre-productif.

C'est impossible.

Une dose raisonnable de douleur fait partie intégrante de la vie, et pour cause : c'est à la base un mécanisme très utile.

Il y aura toujours de la douleur de temps à autre, pour chacun d'entre vous, et c'est parfaitement normal.

Comme le dit Greg Lehman dans son Programme de rétablissement :

" Plutôt que d’espérer que la douleur disparaisse à jamais, nous pourrions nous concentrer sur ce que nous pouvons faire et qui nous rend heureux et en bonne santé. La douleur peut être présente mais ne doit pas être un obstacle aux choses qui sont importantes et pertinentes à vos yeux. "

Êtes-vous en train de dire qu'il faut se résigner à vivre avec la douleur ?

Je répète régulièrement que le corps humain est capable d'adaptations étonnantes, et que les changements qui se produisent au sein du système nerveux sont quasiment toujours réversibles.

Bien que ces changements soient possibles, ils peuvent prendre du temps : cela se compte parfois plus en années qu'en mois. Il devient alors impératif de reprendre ses activités avant la disparition de la douleur, d'autant plus que le fait d'être actif aide à la faire disparaître.

Certaines douleurs ne disparaissent jamais, mais cela doit-il vous empêcher de vivre la vie dont vous rêvez ? Non !

Il ne s'agit donc pas d'abandonner, mais d'accepter qu'il faille recommencer à vivre les expériences que vous souhaitez avec un certain niveau de douleur. Au moins pour l'instant ! Personne ne peut prédire si votre douleur disparaitra complètement ou non.

Les bénéfices que vous tirerez de vos efforts et de cette aventure seront certainement au delà de vos espérances.

Trouver un équilibre entre la gestion de la douleur et la poursuite de vos valeurs

Là se trouve l'un des plus grands défis de la douleur persistante. Il s'agit de se créer un équilibre entre la gestion de la douleur (faire des choses pour diminuer celle-ci) et la poursuite des valeurs (faire des choses importantes pour nous).

Si tout le quotidien est centré sur la diminution de la douleur, vos valeurs sont oubliées et vous vous égarez loin de là où vous aimeriez être. Si tout le quotidien est centré sur ce que vous aimez faire, on pourrait être rattrapé par la réalité de temps à autre.

L'équilibre idéal ne serait-il pas d'utiliser les techniques de gestion de la douleur POUR se rapprocher de nos valeurs ?

Si vous êtes arrivé(e) jusqu'ici, je vous recommande de lire ces articles :

- Le mal de dos n'est pas le problème, la solution au mal de dos est le problème.

- Vous n’êtes pas foutu.e, vous êtes piégé.e : trois leçons de la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement


1 commentaire

Emma · 7 mai 2020 à 9:32 pm

Le corps déséquilibré est en effet quelque chose qu’on entend /lit souvent dans les thérapies alternative. Et si une thérapie ne marche pas, ça viendrait peut-être du fait qu’elle ne fonctionne que si telle ou telle condition sont réunies. C’est obscur tout cela et facile. Votre blog me rappelle celui-ci sur l’efficacité de l’ostéopathie, c’était très intéressant : https://www.diagnosteo.com/lillusion-de-lefficacite-en-osteopathie/

A bientôt !

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