Chaque jour, je vois des personnes poster leur compte rendu d'IRM du dos sur Internet pour demander l'avis d'autres personnes qui souffrent également. Si vous avez déjà fait cela, cet article est vous est destiné.

Votre situation est souvent effrayante : douleur aiguë, aggravation d'une douleur chronique, nouveaux symptômes étranges, etc. Il est tout à fait normal de vouloir des informations ! C'est là le travail des professionnels de santé; j'y reviendrai vers la fin de l'article.

Néanmoins, s'il semble logique de demander l'avis de personnes qui traversent une expérience similaire, la réalité est bien plus nuancée. J'écris cet article pour développer une idée trop longue pour un commentaire Facebook.

Mon point de vue est que vous ne devriez pas demander d'avis sur votre compte-rendu d'examen complémentaire auprès de personnes non professionnelles de santé.

Analyser un compte-rendu d'IRM du dos n'est pas aussi simple que cela

L'un des premiers pièges est l'apparente simplicité d'un compte-rendu de radiographie ou d'IRM du dos.

Bien sûr, certains sont inondés de jargon professionnel, rendant le tout parfois même difficile à prononcer. Cela me fait penser au sketch des Inconnus sur les languages hermétiques.

Toutefois, les termes de "discopathie dégénérative", "hernie", "protrusion" et bien d'autres, sont maintenant bien connus du public.

Cela donne lieu à des interprétations hâtives et erronées, telles que : " Tu as une protrusion en L4-L5, c'est de là que vient ta douleur " ou "Ton nerf est coincé à cet endroit".

Le mal de dos est très complexe. L'intensité de la douleur ne mesure pas l'importance des lésions présentes, quand il y en a.

S'il faut réaliser plusieurs années d'études spécialisées pour seulement commencer à en creuser la surface, vous comprenez que l'avis du tout venant ne devrait pas être pris en compte.

Deux personnes avec le même compte-rendu IRM peuvent ressentir des choses diamétralement opposées. Une personne peut être à l'agonie, tandis que l'autre n'est même pas au courant de cette particularité dans son dos.

Un professionnel de santé donne du sens à ce compte-rendu en tenant compte de votre histoire et de l'examen clinique.

Dire qu'une particularité trouvée à l'IRM crée la douleur en se basant sur le compte-rendu, c'est comme regarder la photo d'un téléphone et affirmer qu'il est en train de sonner. 

Une radiographie et une Imagerie par Résonance Magnétique ne sont jamais que des photographies de votre dos.

Feriez-vous la même chose avec d'autres problèmes de santé ?

Faisons une comparaison. Serait-ce une bonne idée de poster ses résultats d'analyse en cancérologie dans un groupe tout public, non professionnel ?

Ce serait risquer de fausses alertes de la part de personnes qui auraient hélas traversé le même enfer et qui vous diraient que votre cancer est en train de progresser.

Ce serait risquer une dose de stress et de peur énorme, qui aurait effectivement un effet négatif sur votre maladie.

Alors pourquoi voit-on encore autant de comptes-rendus d'examen lombaires analysés au pied levé par des personnes qui n'y sont pas du tout formées ?

Sous couvert de familiarité et d'expérience personnelle, le dos est jugé facile à comprendre et on donne volontiers son avis sur cette hernie présente dans le compte-rendu.

On ne le ferait pas pour un cancer ou une autre pathologie atypique. Ne le faisons pas pour le mal de dos. 

Cela ne donne pas seulement lieu à des commentaires à côté de la plaque. Cela peut carrément transformer votre vie en enfer.

Comment un commentaire sur votre IRM peut vous faire mal

Si vous avez passé un examen complémentaire pour votre dos, vous êtes potentiellement déjà limité par la douleur, effrayé, frustré et/ou déprimé par ce qu'il vous arrive. Vous vous demandez à quel point ce que vous avez est grave. Si vous allez récupérer à 100% et reprendre le cours de votre vie comme si de rien n'était.

Prenons un commentaire anodin que quelqu'un laisserait sur votre post : "Vous avez une hernie discale qui écrase le nerf, c'est grave, j'ai dû me faire opérer pour ça et j'ai encore mal".

Je vois ce genre de commentaires tous les jours. Non seulement cela ne vous aide pas, mais cela instille en vous beaucoup de peur et d'inquiétude pour le futur.

Le modèle peur-évitement

Les informations menaçantes que vous pouvez trouver sur Internet ou entendre de la part d'autres personnes ont tendance à modifier votre façon d'agir. Ce qui va suivre est un exemple de cercle vicieux parmi d'autres.

Je vais maintenant vous parler d'un modèle qui a profondément marqué la recherche scientifique sur la douleur chronique : le modèle peur-évitement. 

Représentation du modèle trouvée sur le blog de Yvan Campbell. Gardez à l'esprit qu'il ne s'agit que d'un modèle, nécessairement simplifié.

Les commentaires négatifs et effrayants que vous pouvez recevoir à propos de votre compte-rendu d'examen tendent à vous emmener dans la partie gauche de ce schéma.

Décortiquons-la ensemble.

Catastrophisme

Il s'agit de la tendance à percevoir comme très menaçants les événements que nous vivons, et d'imaginer un avenir sombre. Un point de vue pessimiste, qui ne laisse peu de place au changement. Voilà des phrases qui correspondent à cette idée :

"Mon dos est foutu, je ne pourrais plus jamais vivre normalement"

" Je vais forcément devoir me faire opérer tôt ou tard "

" Il ne faut surtout pas que je fasse d'effort pour ne pas aggraver ma hernie discale"

Cette réaction est normale quand on est en plein épisode douloureux, avec ses conséquences sur la vie quotidienne, quand on reçoit des informations négatives et effrayantes, et/ou quand on est d'un naturel anxieux.

Cependant, cela peut vous jouer des tours !

Peur

Il s'agit en réalité de différentes peurs, notamment la peur de la douleur et la peur de bouger.

Si l'on prend au sérieux les informations anxiogènes et les pensées catastrophes que l'on a pu avoir, il est évident que déclencher la douleur en bougeant est une mauvaise idée.

Personne de sensé n'aurait envie de bouger s'il pense que c'est dangereux pour sa hernie discale, par exemple.

Évitement

Il s'agit du fait de ne pas faire certains mouvements ou certaines activités, pour éviter de déclencher ou d'augmenter la douleur. 

S'il s'agit d'une stratégie efficace au court terme, l'évitement est très loin de régler le problème au moyen et au long terme.

Au contraire, les effets délétères sont multiples. Si vous vous demandez quels sont ces effets, voilà un article à propos des conséquences néfaste de l'évitement sur le mal de dos.

Hypervigilance

Puisque la douleur est désignée comme ennemie public numéro 1, et qu'elle est perçue comme un signe de blessure, il devient alors essentiel pour vous de focaliser votre attention dessus.

Vous faites de plus en plus attention à votre façon de bouger, souvent en contractant davantage vos muscles. Votre système nerveux, fidèle compagnon, vous aide en vous faisant parvenir plus d'informations sur votre dos.

C'est l'un des aspects abordés dans cette vidéo ci-dessous.

Incapacité physique/psychologique

Les conséquences de l'évitement et de l'hypervigilance sont nombreuses. Une fois de plus, je vous conseille VIVEMENT de lire l'article Que se passe-t-il si l’on évite toujours un mouvement qui fait mal au dos ? pour creuser le sujet.

En résumé, vous perdez l'habitude de faire les mouvements et les activités que vous évitez. Lorsque vous tentez de nouveau votre chance, l'activité est plus difficile et plus douloureuse, ce qui vous conforte dans votre décision de l'éviter.

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Un exemple concret pour illustrer ce cercle vicieux

exemple en cas de douleur lorsqu'on se penche en avant

Exemple : douleur en se penchant en avant. Cliquez sur l'image pour l'ouvrir en grand. J'espère que vous pourrez me lire 😉

Le devoir des professionnels de santé est de vous informer

Les personnes qui viennent demander des avis sur des groupes de patients sur Internet ne le font pas par plaisir. J'en suis conscient. Les tentatives d'explication et d'analyse de la part de personnes non formées ne sont pas là par hasard.

Tout cela vient combler un vide laissé par les professionnels de santé. Un véritable gouffre.

Lorsque quelqu'un vient me voir au cabinet avec un examen complémentaire pour ses douleurs lombaires, je pose toujours la même question : "Que vous a-t-on expliqué à propos de ces résultats ?".

La majorité de ces personnes n'a pas reçu d'explication. Au mieux, un vague avertissement : "Faites attention".

Pas étonnant que vous cherchiez davantage d'informations ailleurs !

Pourtant, c'est bien le devoir des professionnels de santé (et uniquement des professionnels de santé) de vous fournir une explication claire, fiable et individualisée.

Un dernier mot sur les groupes de patients en ligne

Je regarde régulièrement les publications et les discussions sur les groupes de patients Facebook.

Le soutien entre personnes qui traversent des épreuves similaires est inestimable. Il n'est pas rare que vous vous sentiez isolé(e) lorsque vous avez peur d'irriter vos proches, et/ou quand ceux-ci ne comprennent pas votre situation.

Vivre avec des douleurs chroniques peut être une épreuve chaque jour, et peut avoir des répercussions dramatiques. L'expérience d'une personne peut aider une autre personne. Néanmoins, vous êtes l'expert de votre douleur, pas de celle des autres.

Les personnes qui viennent échanger sur ces groupes sont celles qui connaissent les plus grandes difficultés. Les témoignages que l'on y trouve seront donc les plus négatifs et effrayants dans l'ensemble de la population qui souffre du dos.

Les nombreuses personnes qui récupèrent complètement après une lombalgie, une sciatalgie, une opération... sont peu représentées dans ces groupes.

Conclusion

Mes conseils

  • Travailler avec des professionnels formés, qui vous expliquent les choses de façon claire et positive
  • Analyser vos comptes-rendus d'examens complémentaires avec des professionnels de santé (médecin, chirurgien, kiné)
  • Prendre du recul par rapport aux informations effrayantes reçues
  • Utiliser les groupes de patients pour recevoir et procurer du soutien aux personnes en difficulté, se motiver mutuellement

À éviter

  • Demander un avis sur votre compte-rendu d'examen du dos à des personnes non professionnelles de santé
  • Passer du temps dans des environnements toxiques qui risquent de vous décourager et de vous effrayer davantage
  • Tenter de deviner ce que vous devriez faire ou non en se basant sur les termes employés dans le compte-rendu

Pour en savoir plus

Comprendre son compte-rendu d'IRM du dos (tous les termes expliqués)

Comprendre ce qu'est une hernie discale en 5 minutes (début d'une série d'articles très complète sur la hernie discale)


8 commentaires

LARGHI · 20 juin 2023 à 8:38 pm

J ai une sciatique depuis trois mois la marche déclenche la douleur dans la fesse et la jambe faut il persister

    Eric Bouthier · 20 juin 2023 à 10:49 pm

    Bonjour, persister dans quel sens ?
    Une fois que le diagnostic de sciatalgie a été clairement établi et que les critères de gravité ont été écartés, il me semble important de faire un bilan chez un kinésithérapeute pour essayer diverses stratégies de rééducation. Parfois, une infiltration épidurale aide certaines personnes à progresser, surtout si c’est combiné à de la rééducation (le bénéfice des infiltrations seules n’existe qu’au court et moyen terme).

      ZABOU41 · 30 janvier 2024 à 9:54 am

      Deux hernies discales et une lombalgie chronique depuis 20 ans. La dernière hernie a été mieux gérée par moi et ma kiné qui a su me rassurer, m encourager et surtout a su m expliquer qu il fallait que je renforce mon dos et que je le mobilise. Aujourd’hui je fais du Bungee thérapeutique et je me réapproprie mon corps . Un grand merci également à toi car en parallèle ton blog
      m a donné bp de conseils et d exercices que j applique quotidiennement . Bravo à toi et encore merci car tu as tout compris sur nos souffrances physique et psychologique . Isabelle

        Eric Bouthier · 1 février 2024 à 6:13 pm

        Bonjour Isabelle, merci beaucoup pour ce retour, je vous souhaite le meilleur pour la suite !

Charlotte · 6 février 2023 à 3:05 pm

Franchement, je voulais te (re) dire un grand BRAVO pour ton travail d’explications. C’est pour moi le meilleur blog qui parle des problèmes de dos. J’en parle régulièrement et le conseille souvent ! Merci et continue ton travail d’informations, c’est tellement important !!

    Eric Bouthier · 6 février 2023 à 9:37 pm

    Merci à toi Charlotte, cela m’encourage toujours à investir du temps et de l’énergie dans Comprendre Son Dos !

Patrick Dupre · 26 février 2020 à 10:33 am

Ancienne hernie discale 2003 qui m’a occasionné paresthésie au pied droit. 4 ans après au pied gauche. Depuis 4 ans, queue de cheval. Depuis septembre 2019 rééducation pireneale. Mon kine n’a jamais eu un cas avec un taux pratiquement de 0 sur le plan musculaire. Problème: j’ai plusieurs IRM et scanners qui ne montre pas de compression et sténose. J’ai un pincement en L5L4. Disque vide. Question: en neurologie, est’il possible de trouver l’endroit où il y a une compression car il y a un nerf qui est comprimé. Quelle est la bonne personne pour s’occuper de ce problème? Merci.

    Eric Bouthier · 26 février 2020 à 10:28 pm

    Bonjour Patrick,
    Plusieurs examens s’intéressent à la fonction du nerf. L’EMG (electromyogramme) en fait partie et est l’un des plus connus. Seulement, il n’évalue que 20% des fibres nerveuses. Pour le compléter, il faut un examen neurologique fait par un professionnel de santé (force, réflexes, sensiblité). Plusieurs pros y sont normalement formés : médecins généralistes, neurologues, kinésithérapeutes.. Cependant, tous ne le font pas, donc faites attention à ce que cela soit bien réalisé.

    Le souci est le suivant : cela ne permet pas de savoir si le nerf est actuellement comprimé, ou bien s’il a subi une compression par le passé et ne transmet plus correctement les messages.

    En définitive, je pense que le neurologue est la personne la plus à même de vous aider, suivi d’un kinésithérapeute habitué de ce genre de prise en charge.

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