L'opération de la hernie discale est souvent perçue comme l'arme fatale contre la sciatique ou la cruralgie. Quoi de plus radical ? Vous êtes nombreux à vous demander si vous devriez y avoir recours. Seulement, entre les témoignages positifs et négatifs, vous angoissez à l'idée de prendre la mauvaise décision.
Dans cet article, vous trouverez les différentes indications à l'intervention chirurgicale (urgence ou non), les résultats que vous pouvez en attendre, les contre-indications, les complications et toutes les informations importantes à connaître sur le sujet. Tout ce qui suit correspond aux connaissances scientifiques actuelles. Vous pouvez laisser un commentaire tout en bas de l'article si vous le souhaitez.

Dans quelles situations la chirurgie est-elle obligatoire et urgente ?

Selon les recommandations actuelles (résumées entre autres par la revue médicale suisse ici), il existe trois situations dans lesquelles l'opération est une nécessité.

La première est une perte de force dans un ou plusieurs muscles au niveau des jambes. Cette perte de force peut être soudaine et importante. Vous pouvez alors avoir des difficultés à relever le pied ou à monter sur la pointe du pied.

Elle peut également être évolutive, c'est-à-dire que cette perte de force s'aggrave au fil du temps. Il peut s'agir d'une urgence si l'évolution est rapide et sévère.

La seconde est le syndrome de la queue de cheval. Cela survient lorsque les dernières racines nerveuses sont fortement comprimées tout en bas de la colonne vertébrale.

Les principaux signes caractéristiques sont une paralysie plus ou moins importante des jambes, une incontinence, une dysfonction sexuelle et une perte de sensibilité dans la zone ano-génitale. C'est une urgence absolue !

Enfin, des douleurs intolérables malgré un traitement médicamenteux maximal et bien mené constituent une indication à la chirurgie. Ce n'est pas une urgence car la santé de votre système nerveux n'est pas directement en danger.

Personne en train de regarder sa montre

Combien de temps peut-on attendre avant de se faire opérer en cas d'urgence ?

Dans les cas d'urgence décrits ci-dessus, le système nerveux est en souffrance. Les informations ont du mal à voyager dans le nerf concerné, d'où les pertes de sensibilité et de force.

Vous avez certainement entendu qu'il fallait se faire opérer rapidement pour éviter les séquelles. Quel est le consensus scientifique à ce sujet ?

Les études scientifiques ne tombent pas toutes d'accord. Selon une étude américaine, se faire opérer dans les 48 heures qui suivent l'apparition des symptômes permet une récupération plus rapide au niveau sensitif, moteur et vésico-sphinctérien. Passé ce délai, le risque de conserver des séquelles motrices serait multiplié par 9.

D'autres études (voir les recommandations de la NASS) ne retrouvent pas de différence entre les différents délais d'opération, lorsque l'on compare l'évolution après plusieurs années. Autrement dit, la majorité des patients récupérerait une fonction motrice et vésico-sphinctérienne satisfaisante après plusieurs années

Le consensus est alors d'opérer dès que le diagnostic est posé, peu importe le délai d'apparition des symptômes. 

Concrètement, il est toujours utile d'opérer un syndrome de la queue de cheval même si celui-ci est apparu il y a plus de 48 heures. Opérer au plus tôt pourrait permettre une guérison plus rapide. Plus d'informations dans cet article sur la récupération après paralysie.

Quels sont les critères d'opération chirurgicale en cas de sciatique ou de cruralgie persistantes ?

Cela ne vous aura pas échappé, beaucoup de personnes se font opérer en dehors des situations évoquées plus haut.

Une autre indication à la chirurgie existe : la persistance d'une sciatique ou d'une cruralgie très intense malgré 6 à 8 semaines de traitement non chirurgical (rééducation, médicaments, infiltrations...) 

En effet, beaucoup optent pour l'opération lorsque la douleur persiste trop longtemps, et que les traitements dits "conservateurs" n'ont pas été efficaces. C'est tout à fait compréhensible, tant les douleurs et le handicap associé peuvent bouleverser une vie.

On observe de meilleurs résultats lorsque l'opération est réalisée dans les 6 mois qui suivent l'apparition des symptômes. Cela semble logique, vu que les douleurs les plus anciennes peuvent être les plus enracinées dans notre système nerveux.

La revue médicale suisse mentionne également comme indication relative : "Patient ne désirant pas investir plusieurs mois dans un traitement conservateur suivi".

L'idée de plusieurs mois de rééducation et de traitements médicamenteux n'est pas très séduisante, c'est sûr. Néanmoins, l'opération chirurgicale n'est ni miraculeuse, ni sans danger.

Un traitement non chirurgical sérieux et bien mené doit toujours être réalisé en premier. 

Photo d'une personne en tenue de sport en train de lacer ses chaussures

Pourquoi ne pas opérer directement toutes les hernies discales et éviter tous ces problèmes ?

Les décisions du corps médical paraissent parfois étranges et contre-intuitives. Voilà deux raisons pour lesquelles les médecins et les chirurgiens laissent souvent un délai de quelques mois entre le diagnostic et la chirurgie.

Les hernies discales ont une évolution naturelle favorable dans la majorité des cas (bientôt un article sur l'évolution des hernies discales). Cela signifie que beaucoup de hernies discales vont se résorber d'elles-mêmes, tout comme la douleur.

Bien entendu, il existe aussi des cas qui évoluent mal (vous en connaissez peut-être), mais environ deux hernies sur trois régressent spontanément.

Le médecin préfère alors attendre, pour laisser une chance au problème de se solutionner tout seul sans avoir recours à une procédure agressive.

La chirurgie représente l'option la plus invasive (potentiellement délétère pour l'organisme). Comme toute intervention chirurgicale, il y a un risque de complications et d'effets secondaires.

Le taux de succès, comme pour beaucoup de traitements, n'est pas à 100%, ce qui invite les médecins à sélectionner avec soin les candidats à la chirurgie.

Un médecin qui retarde l'opération n'est donc pas forcément un médecin qui ignore votre douleur ou qui ne vous prend pas au sérieux.

Recevez gratuitement 5 vidéos pour bouger plus facilement et reprendre vos activités préférées

  • Des dizaines de conseils pratiques et d'exercices basés sur les dernières études scientifiques
  • Les pièges à éviter à tout prix
  • Tout ce que VOUS pouvez mettre en place pour vous libérer du mal de dos

Votre adresse mail est collectée pour vous faire parvenir du contenu supplémentaire gratuit ou payant, dans le strict respect de la réglementation européenne sur la collecte des données. Vous pouvez vous désabonner à n'importe quel moment en cliquant sur le lien présent à la fin de chaque mail.

Dans quels cas la chirurgie n'est-elle pas indiquée ?

Typiquement, lorsque les douleurs sont limitées au bas du dos sans irradiation dans les jambes, la chirurgie de hernie discale n'est pas pertinente. 

De même, si le lien entre la hernie discale et vos symptômes n'est pas bien établi, les risques liés à l'opération peuvent dépasser les bénéfices.

Ressentir une forte anxiété vis-à-vis de l'opération pourrait même être considéré comme une contre-indication. Il me semble important de se sentir à l'aise avant de choisir cette voie. Nous en reparlons un peu plus bas.

Quelles sont les potentielles complications ?

Le risque de complications post-opératoires est faible mais existant. On retrouve par exemple :

  • Infection de la plaie (superficielle ou profonde)
  • Formation d'un hématome qui gêne le système nerveux et qu'il faut évacuer
  • Formation de fibrose cicatricielle gênant une racine nerveuse et participant à la persistance de symptômes
  • Récidive de la hernie discale au même endroit (voir question suivante)
  • Persistance de douleurs post-opératoires, aussi appelée "Failed Back Surgery Syndrome" (mais régulièrement appelée "Mon Travail Est Parfait, Revoyez Votre Médecin" par certains chirurgiens)
  • Lésion des méninges (enveloppes autour du système nerveux central), ou très rarement des vaisseaux sanguins.
Meme représentant Moe en train de virer Barney de son bar, symbolisant l'opération qui supprime la hernie mais qui revient ensuite

Un petit meme, cela faisait longtemps 😉

La hernie discale peut elle réapparaître au même endroit après l'opération ?

Lorsque la hernie discale revient au même endroit qui a été opéré, on appelle cela une récidive de hernie discale

Il semble que cela survienne dans 5 à 18% des cas, en fonction des études. Néanmoins, deux choses sont à prendre à compte.

La première est que cette récidive peut survenir des années après l'opération. Dans 38% des cas seulement, elle a lieu dans l'année qui suit l'intervention.

La deuxième est qu'une récidive de hernie discale n'implique pas forcément de ré opération. Seuls 9.1% des patients se refont opérer d'une hernie au même étage dans les 8 ans suivant l'opération (référence)

Souvenez vous que ce qui a motivé la première opération n'était pas juste la présence d'une hernie discale, mais ses conséquences sur la santé du système nerveux.

Une récidive de hernie discale peut parfaitement être indolore et asymptomatique. Si l'on compte les récidives asymptomatiques, on arrive jusqu'à 23% des cas !

Quels sont les facteurs prédictifs d'un mauvais résultat à une opération de hernie discale ?

Les facteurs prédictifs d'une moins bonne évolution après l'opération de la hernie discale sont les mêmes que pour les autres interventions. Il y a cependant des nuances à apporter.

La dépression est une pathologie complexe qui a de nombreuses conséquences sur le comportement d'une personne, mais aussi sur la façon dont son corps fonctionne.

Souffrir de dépression avant l'opération semble associé à de moins bons résultats fonctionnels après l'opération (c'est-à-dire, ce que vous arrivez à faire dans la vie de tous les jours). L'intensité de la douleur ne semble pas différente cependant.

Le niveau d'activité physique avant l'opération pourrait influencer le résultat de celle-ci. Par exemple, une étude de 1987 (assez vieille, il faut le dire) retrouvait de meilleurs résultats post-opératoires chez les patients pratiquant une activité physique régulière et raisonnable.

Un niveau d'activité physique trop bas ou trop élevé était associé à de moins bons résultats.

Chez les personnes diabétiques, l'opération semble apporter moins de bénéfices par rapport à quelqu'un de non diabétique (lorsqu'on compare 4 ans après l'intervention).

La chirurgie et le traitement conservateur semblent apporter des bénéfices similaires chez les diabétiques. (étude)

L'obésité joue également un rôle. Les personnes obèses bénéficient d'une amélioration similaire aux non obèses suite à l'opération. Néanmoins, elles partent statistiquement d'un plus mauvais état préopératoire. 

Cela explique que les personnes obèses garderont en moyenne davantage de douleurs ainsi que de moins bonnes capacités fonctionnelles.

Enfin, le fait de se sentir angoissé et d'avoir beaucoup d'appréhension vis-à-vis de l'opération peut être néfaste. Le stress prolongé place votre corps dans un état d'alerte qui altère la cicatrisation et éteint les mécanismes anti-douleur.

Pour optimiser votre récupération, assurez vous d'avoir toutes les réponses à vos questions. Vou serez plus confiant dans votre capacité à naviguer dans les suites post-opératoires. (lecture conseillée : Comment retrouver la forme après une chirurgie de hernie discale ? 25 questions sur les suites post-opératoires)

Chirurgienne vue de profil en train d'opérer

Enlever la hernie discale va-t-il guérir mon mal de dos ?

L'opération de hernie discale vise essentiellement à préserver la santé du système nerveux (en cas de troubles moteurs et vésico-sphinctériens) et à soulager la douleur dans la jambe.

Les chirurgiens sont habituellement assez clairs sur le fait que cette intervention ne vise pas à soulager les douleurs lombaires. En effet, la hernie discale n'est généralement pas responsable des douleurs dans le bas du dos (lire le premier article sur la hernie discale). 

Bien que certaines études (comme celle-ci) retrouve un soulagement des douleurs lombaires 1 an après l'opération, il me semble important que vous soyez bien informés.

Une diminution des douleurs lombaires est bien entendu possible, mais personnellement je ne parierais pas dessus. J'ai connu beaucoup de patients dont les attentes avaient été déçues, et qui ressentaient de la frustration.

La chirurgie de hernie discale est-elle plus efficace que les médicaments, la rééducation et les infiltrations ?

Vous pensez probablement que l'intervention chirurgicale est l'approche la plus efficace pour soulager des douleurs liées à une hernie discale. Après tout, on vient littéralement retirer la hernie, non ? D'un point de vue symbolique, il faut avouer que c'est très séduisant. 

Que disent les études qui comparent la chirurgie à un traitement dit "conservateur" (rééducation, infiltrations, médicaments) ?

Imaginez un groupe de personnes qui bénéficient de l'opération, et un groupe de personnes qui bénéficient du traitement conservateur.

On remarque que les personnes du groupe chirurgie s'améliorent plus rapidement que le groupe rééducation. Disons que 6 mois après le début des traitements, les douleurs du groupe chirurgie ont davantage diminué, et ils arrivent à faire plus de choses. 

Néanmoins, la différence entre les deux groupes s'amenuise au fil du temps. À partir de 2 ans, les deux groupes se sont autant améliorés, en moyenne. Le groupe chirurgie s'est simplement amélioré plus rapidement, puis a été rattrapé par le groupe rééducation.

Plusieurs études vont dans ce sens là (exemple). Il semble que la chirurgie reste une meilleure option plus longtemps chez les personnes qui souffrent des symptômes les plus sévères au départ.

La décision de choisir l'opération ou le traitement conservateur devrait donc être le fruit d'une discussion pluridisciplinaire, dans laquelle vous avez votre mot à dire. 

Enfin, les approches non médicamenteuses ont toute leur place, que vous optiez pour la chirurgie ou non.

Conclusion

L'opération de hernie discale fait partie de l'arsenal thérapeutique dans certains cas de sciatique ou de cruralgie. Cette approche ne se suffit rarement à elle-même et doit se concevoir en complémentarité de la rééducation et des autres outils.

J'espère que cet article vous aura été utile. Bien d'autres articles vous attendent !

Éric

Rappel des sources

Catégories : Comprendre

2 commentaires

Anthony · 25 décembre 2022 à 11:18 pm

Bonjour

Avez-vous des informations quand à l’opération de discogel pour une hernie discale l5 s1 ? J’ai une hernie depuis 5ans , trop jeune pas d’opération possible et trop risqué, mais mal tout les jours. J’ai tout essayé. Me reste plus que cette solution. Qu’en pensez-vous? Des retours ? Merci

    Eric Bouthier · 30 décembre 2022 à 5:28 pm

    Bonjour, j’en ai entendu parler. Le mécanisme d’action est original (je ne crois pas avoir vu ça ailleurs) et il faudrait que je regarde s’ils ont publié des études pour évaluer le Discogel. Je n’ai pas encore eu de retours de personnes qui auraient déjà essayé cette technique. J’essaierai de vous tenir au courant si j’ai des informations intéressantes.

Laisser un commentaire

Emplacement de l’avatar

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.